(1) There is a silence where the town was old. Grass grows where not a memory lies below. We that dined loud are sand. The tale is told. The far hoofs hush. The inn’s last light doth go.
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(1) Un silence règne là où la ville fut vieille. L’herbe pousse là où sous terre ne gît aucun souvenir Bruyants convives, nous ne sommes que sable. L’histoire est contée. Les lointains sabots se taisent. Dans l‘auberge s’éteint l’ultime lumière. |
(2) As a bad orator, badly o’er-book-skilled, Doth overflow his purpose with made heat, And, like a clock, winds with withoutness willed What should have been an inner instinct’s feat ; Or as a prose-wit, harshly poet turned, Lacking the subtler music in his measure, With useless care labours but to be spurned, Courting in alien speech the Muse’s pleasure ; I study how to love or how to hate, Estranged by consciousness from sentiment, With a thought feeling forced to be sedate Even when the feeling’s nature is violent ; As who would learn to swim without the river, When nearest to the trick, as far as ever.
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(2) Comme un mauvais orateur par trop livresque Noie son propos dans une emphase feinte Et débite comme une horloge, pour flatter l’auditeur, Ce qui aurait dû venir instinctivement de l’intérieur ; Ou comme un prosateur péniblement passé poète Et privé de son mètre d’une musique plus subtile, S’épuise en vains efforts sans pouvoir s’imposer Et sollicite sa muse en une langue étrangère ; Ainsi je cherche comment aimer Comment haïr, Exilé de l’émotion par la conscience N’ayant qu’un sentiment pensé, contraint au calme, Même lorsqu’il est violent en lui-même Pareil à celui qui veut apprendre à nager sans rivière Et qui, proche du succès, s’en éloigne plus que jamais.
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(3) From my villa on the hill I long looked down Upon the muttering town ; then one day drew (life sight-sick, dull hope shed) My toga o’er my head (The simplest gesture being the greatest thing) Like a raised wing. |
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(3) De ma villa sur la colline mon regard plongea longuement Sur la cité bruissante Puis un jour je me couvris (las de la vie, tombée la morne espérance) La tête de ma toge (le geste le plus simple est la plus grande chose) Telle une aile érigée. |
(4) Whether we write or speak or do but look We are ever unapparent. What we are Cannot be transfused into word or book. Our soul from us is infinitely far. However much we give our thoughts the will To be our soul and gesture it abroad, Our hearts are incommunicable still. In what we show ourselves we are ignored. The abyss from soul to soul cannot be bridged By any skill of thought or trick of seeming. Unto our very selves we are abridged When we would utter to our thought our being. We are our dreams of ourselves, souls by gleams, And each to each other dreams of others’ dreams. |
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(4) Que nous écrivions, parlions ou simplement regardions Nous sommes toujours inapparents. Ce que nous sommes Ne peut être transfusé dans un mot, dans un livre. Notre âme est infiniment de nous-mêmes éloignée Même si nous nantissons nos pensées du pouvoir D’être notre âme et de la manifester au dehors Nos cœurs restent encore incommunicables. Nous sommes ignorés en ce que nous montrons comme nous-mêmes L’abîme d’âme à âme ne peut être comblé Par aucune adresse de pensée ni aucune ruse d’apparence Nous sommes restreints jusqu’au fond de nous-mêmes Quand nous tentons d’exprimer notre être à notre pensée. Songes de nous-mêmes, tels nous sommes, lueurs d’âmes, Les uns pour les autres songes de songes rêvés par d’autres. |
(5) I conquered. Far barbarians hear my name. Men were dice in my game, But to my throw myself did lesser come: I threw dice, Fate the sum. |
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(5) J’ai conquis. De lointains barbares entendent mon nom. Les hommes furent dés dans mon jeu Moi-même suis sorti moins souvent de mes coups J’ai jeté les dés. La somme est le destin. |
(7) We, that both lie here, loved. this denies us. My lost hand crumbles where her breasts’ lack is. Love’s known, each lover is anonymous. We both felt fair. Kiss, for that was our kiss.
Fernando Pessoa, English Poems, excerpts.
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(7) Ci-gisant nous nous aimâmes. ceci nous nie. Mes mains perdues s’effritent où ses seins sont absence. L’amour est connu, chaque amant est anonyme. Nous nous sentions beaux. Embrassez-vous car ceci fut notre baiser.
Fernando Pessoa, Poèmes Anglais, extraits traduit de l’anglais par Georges thinès, Éditions Points, 2011.
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