Né le 22 août 1928 à Mödrath, près de Cologne, Karlheinz Stockhausen est l’aîné des trois enfants de Simon, instituteur et musicien qui disparaîtra en 1945 sur le front de l’Est ; sa mère, également musicienne, sera « internée » dès 1932 et tuée en 1941. En 1951, Karlheinz Stockhausen épouse Doris Andreae ; naîtront quatre enfants dont Markus (1957) et Majella (1961) qui joueront plus tard un rôle de premier plan dans la création et la transmission de sa musique comme trompettiste et pianiste. En 1967, il épouse Mary Bauermeister avec qui il a deux nouveaux enfants dont Simon qui rejoindra à son tour le cercle des musiciens (synthétiseur).
Après une existence extrêmement difficile, où il apprend seul, il est admis à l’université de Cologne où il termine brillamment un cursus de très haut niveau (1948-1951) en rédigeant un mémoire approfondi sur la Sonate pour deux pianos et percussion de Bartók.
Dès l’été 1950, il a commencé à suivre les cours de Darmstadt, véritable creuset de la modernité d’alors, où il forge littéralement les grands axes de toute son œuvre à venir. L’influence d’Hindemith, exclusive dans l’Allemagne de 1947-1950 et sensible dans ses toutes premières pièces de 1950 (Chœurs, drei Lieder), est liquidée dès 1951, d’abord avec la découverte de Schoenberg (cours de Leibowitz) et surtout de Webern (avec Hermann Scherchen) puis avec celle de Messiaen dont il rejoindra la classe à Paris en 1952 et 1953. Ces deux révélations engagent sa pensée d’une façon absolument décisive : priorité absolue conférée aux principes weberniens de déduction et d’unité organique (Klavierstücke 1 – 4, Kontrapunkte) et conception radicalement neuve du temps musical saisie chez Messiaen (Kreuzspiel) mais aussi sens de la prospective collective – les premiers grands textes théoriques naîtront dès 1952 – et de la rationalité totale de l’écriture vécue comme exigence morale, jusque dans les toutes dernières œuvres.
La découverte de la musique concrète avec Pierre Schaeffer à Paris (1953) l’oriente vers le champ de la musique électronique dont il fonde l’histoire avec l’œuvre qui restera la référence, Gesang der Jünglinge (Chant des adolescents, 1956) et où s’affirme l’essentiel de sa puissance créatrice : unité globale comme résorption de l’hétérogénéité du matériau, exploration de l’espace (Kontakte, 1960) et du temps (Hymnen, 1967).
Si la musique de Stockhausen se déploie dans pratiquement tous les domaines – de la notation la plus millimétrée aux musiques intuitives où disparaît toute écriture musicale – la force unique qui la parcourt reste celle de la mélodie. Mise en retrait au temps du sérialisme orthodoxe des années cinquante, mais active dès les toutes premières œuvres, elle s’épanouira définitivement à partir de 1970 (Mantra) jusqu’à l’immense opéra en sept jours Licht (1977–2002). Le principe mélodique, donnée immédiate du processus de dépassement de toute dialectique de conflit dans l’œuvre, reflète aussi et surtout le rapport de Stockhausen au monde ; il est le vecteur le plus direct d’une foi profonde irriguant toute sa création et visant sans cesse davantage à incarner l’universalité et la paix. De ses dernières pièces, éléments du cycle inachevé Klang (les vingt-quatre heures du jour), émane un total apaisement devant la fin de la vie : le « Veni creator » de la deuxième pièce (Freude) – qui relie ici Stockhausen à Mahler - en est un des plus limpides témoignages, tandis que la quatrième (et dernière imprimée) a pour titre La porte du Ciel.
Au terme de cinq décennies consacrées en grande partie à la transmission de son œuvre et de son savoir (innombrables cours et conférences à travers le monde depuis 1958), il meurt le 5 décembre 2007 à Kürten près de Cologne où, en 1965, il avait lui-même conçu sa maison.